Deux ponts « pionniers » de l'île Jésus

par Sophie Ouimet


Laval est une île. Qui dit île dit cours d'eau, qui dit cours d'eau dit moyen de les traverser. Dans cette chronique, c'est justement à l'un de ces moyens que nous nous intéresserons : les ponts. Deux d'entre eux attireront plus précisément notre attention, soit le pont Porteous et le pont Lachapelle, en quelque sorte des pionniers sur l'île Jésus.


Reliant Ste-Rose à Rosemère, le pont Porteous est le tout premier pont de l'île. Il naît de  l'initiative de James Porteous, propriétaire d'une distillerie à Ste-Thérèse. Ce dernier voit plusieurs avantages à se doter d'une telle infrastructure privée : voie plus rapide vers Montréal, revenus supplémentaires grâce au péage imposé à ceux qui le traversent, réalisation d'économies alors que lui-même n'emprunte plus d'autre passage pour acheminer sa production. C'est en 1832 que le pont Porteous s'ouvre à la circulation.


Souvent, on se rappelle cette passerelle de bois pour son « rôle » dans la révolte des patriotes. En effet, le 5 décembre 1837, les insurgés l'affaiblissent dans le but de retarder le passage des soldats anglais de l'île Jésus à Saint-Eustache. Pour faire une histoire courte, les militaires  parviennent malgré tout à traverser la rivière et défont les rebelles. Laissons toutefois cette parenthèse pour retourner à nos ponts…


…Et à celui de Porteous qui, après le sabotage, se fait réparer. Après quelques années, il  change de mains et devient la propriété d'un certain William Watson qui, en 1846, le cède à son tour à Walter Millar. Selon Marcel Paquette, Millar effectue lui aussi des travaux de réparation, mais finit par abandonner l'infrastructure. Elle est détruite au début des années 1850. Millar, détenteur de la charte du pont Porteous, décide de construire une nouvelle passerelle, mais à un emplacement différent.


Et sur la rivière des Prairies…


Nous avons parlé du nord de l'île Jésus, mais qu'en est-il du sud? Le 20 juillet 1836, on procède à l'inauguration du premier pont à enjamber la rivière des Prairies, c'est-à-dire le premier pont Lachapelle. On le nomme ainsi en l'honneur de Pascal Persillier dit Lachapelle, un homme d'affaires très actif au nord de l'île de Montréal. 


Une grande fête est organisée pour l'ouverture du pont, fête au cours de laquelle Lachapelle  est louangé. La Minerve du 25 juillet résume d'ailleurs ainsi les propos tenus par le supérieur du Séminaire de Montréal : « Il prit  l'occasion […] de faire un éloge mérité de l'entrepreneur […] : c'était à son industrie seule, c'était à ses seuls moyens que nous devions cette entreprise digne d'une province, digne d'un royaume et que nous devions le plus bel ouvrage dans ce genre que possède l'Amérique. Le commerce, la société entière, l'île de Montréal, l'île Jésus, le Canada enfin sont redevables au respectable entrepreneur pour cette facilité nouvelle et ce sûr moyen de communication. »


Originalement en bois, ce pont est remplacé par une infrastructure en métal à la fin du siècle. Elle-même est reconstruite au tournant des années 1930.