Égypte et imaginaire: compte-rendu de conférence

Des cabinets de curiosité à Hollywood : l’imaginaire au service de l’histoire de l’Égypte? - compte-rendu de la conférence de Cynthia Parra


Ont collaboré à la recherche documentaire :

Perrine Poiron (UQAM et La Sorbonne)

Julie Desjardins (UQAM)


Par Guillaume Bouchard Labonté

5 décembre 2018


Pour terminer l’année 2018 en beauté, la SHGIJ et le CAL ont demandé à une étudiante en histoire de l’Égypte ancienne, Cynthia Parra, de nous parler des représentations du royaume pharaonique dans la culture populaire. C’est ce qu’elle a su faire avec brio le 4 décembre dernier.


Avant tout, elle tenait à répondre à une question aux multiples ramifications : est-ce que les produits culturels populaires, quelle que soit leur qualité d’ailleurs, nuisent à la connaissance de l’histoire de l’Égypte ancienne? Ou sont-ils plutôt utiles au partage du savoir?



L’égyptomanie


Les exemples évoqués par Cynthia Parra sont nombreux… car l’Égypte ancienne fascine l’Occident depuis maintenant plus de deux siècles. Lors de son exposé, elle nous parle notamment de l’expédition de Napoléon Bonaparte, qui a marqué les esprits. Mais aussi de l’égyptomanie aristocratique de l’époque victorienne et edwardienne, avec ses multiples aventuriers fortunés et ses mécènes. Les références à cette époque légendaire – et très « glamour » – sont courantes dans la culture d’aujourd’hui : Adèle Blanc-sec, un personnage de bande dessinée créé par Jacques Tardi et adapté récemment au cinéma, incarne bien ce phénomène. Au fil de ses aventures, on fait notamment la connaissance de momies égyptiennes, conservées dans des collections privées et exposées dans des salons bourgeois.


Plus les XIXe et XXe siècles avancent et plus les universitaires remplacent les aventuriers. Dans la culture populaire du moins, car des égyptologues mènent des fouilles sérieuses depuis des décennies déjà. Les collections privées perdent de leur lustre au profit d’institutions plus plubliques. Qui n’a d’ailleurs jamais entendu la phrase fétiche d’Indiana Jones : « It belongs in a museum »? Il ne faut cependant pas se leurrer, selon Cynthia Parra : bien que les motifs soient moins égoïstes qu’autrefois, les intentions des Indiana Jones de la vie réelle (Cynthia Parra nous renvoie entre autres à l’histoire palpitante de E.A. Wallis Budge) ne sont pas nécessairement nobles. Jusqu’à ce que des lois sévères n’interdisent l’appropriation d’artefacts égyptiens par des Occidentaux, les expéditions scientifiques prennent encore souvent l’apparence de pillages, avec quelques exceptions notables[1]. Le débat entourant la restitution du patrimoine égyptien est d’ailleurs toujours d’actualité.


Les aventuriers, archéologues et égyptomanes ont tout autant inspiré l’imaginaire populaire que ne l'a fait l’Égypte ancienne elle-même.


Momies et religion


Grâce à la participation du public, notre conférencière est également parvenue à tracer un portrait assez intéressant de notre perception collective de l’Égypte ancienne : les momies, tombes royales et malédictions y occupent un rôle très important. Elle note la présence de tropes dans les représentations : les momies sont par exemple généralement hurlantes, décomposées et particulièrement athlétiques. Ce qui devait donc rassurer les Égyptiens de l’Antiquité – les momies symbolisent l’accès à la vie après la mort – effraie nos contemporains, note Cynthia Parra avec une pointe d’humour. À ces cadavres agités, elle préfère la momie du film Une nuit au Musée, bien conservée et charismatique. Elle déplore aussi que malgré le fait que de nombreuses autres cultures aient historiquement pratiqué une forme ou une autre de momification, les momies égyptiennes restent une « formule gagnante » sur laquelle on préfère plus souvent compter, au dédain de l’originalité.


La religion égyptienne est un thème largement moins développé : même si les principales divinités sont connues du public (Râ, Isis, Osiris, etc.), une bonne partie des films se déroulant en Égypte ancienne exploitent plutôt le Dieu hébreu – Moïse est d’ailleurs un personnage pratiquement surexploité dans le cinéma et la littérature. Autrement, les dieux égyptiens sont souvent associés aux extraterrestres!


Conclusion


Malgré les nombreuses errances des producteurs de films, écrivains et autres créateurs, Cynthia Parra juge que leurs œuvres ont globalement un effet positif sur la connaissance de l’Égypte ancienne. Elle se prend elle-même en exemple : sans les livres de la série Leonis (de Mario Francis), peut-être n’aurait-elle jamais envisagé étudier l’égyptologie – et cela malgré les erreurs et anachronismes! Elle dit également apprécier certaines œuvres qui parviennent à nous faire comprendre la vie des Égyptiens d'autrefois ou d’aujourd’hui : c’est le cas de Cairo Times, un film de Ruba Nadda qu'elle recommande fortement.



[1] On pourrait par exemple mentionner le travail de l’égyptologue Auguste Mariette, premier curateur du Musée du Caire.