Act Up contre Reagan - compte-rendu de conférence

Act Up et la lutte contre le VIH – Compte-rendu de conférence de Léonie Beaulieu


6 mai 2020 – Par Guillaume Bouchard Labonté


Mardi dernier, la SHGIJ et le CAL ont organisé leur toute première conférence en ligne. En direct de Facebook Live, Léonie Beaulieu, historienne de la santé, nous a raconté comment le mouvement Act Up est parvenu à politiser la lutte contre le VIH, afin de contrer l’inaction du gouvernement Reagan.


On ne sait pas encore exactement comment le VIH est passé de l’animal à l’être humain. Mais quand il a atteint les États-Unis, au début des années quatre-vingts, il s’est répandu comme une traînée de poudre, faisant des dizaines de milliers de morts au sein de groupes tous plus marginalisés les uns que les autres. Léonie Beaulieu note que si la communauté gaie est souvent représentée comme principal symbole de la lutte contre le VIH, elle n’est cependant pas la seule à être touchée : les toxicomanes qui consomment des drogues par injection, les personnes aux prises avec un problème d’hémophilie et les travailleuses/eurs du sexe font également face au fléau.


L’urgence est manifeste mais le gouvernement américain se distingue par sa lenteur à réagir. Ce n’est pas tant une négligence naïve qu’un acte politique délibéré. Reagan, entré en fonction au début de l’année 1981, est le fer de lance d’une tendance conservatrice et néolibérale, qui s’est déjà exprimée en 1979 lors de l’élection de Margaret Tatcher, au Royaume-Uni. Cette tendance est bien entendu hostile à l’État-providence et aux droits des personnes LGBTQ+. Pas étonnant que le VIH, associé aux marginaux et aux homosexuels, ne déclenche pas la création de larges campagnes de santé publique.


Les problématiques sont multiples et l’action communautaire doit se politiser. Le mouvement Act Up, créé dans cet objectif en 1987 par Larry Kramer, acquiert rapidement de la visibilité.

Les groupes touchés par le VIH doivent s’organiser indépendamment de la volonté gouvernementale et du mépris de beaucoup de gens de pouvoir. En 1982, des activistes fondent le Gay Men’s Health Crisis (GMHC). L’objectif de cette nouvelle organisation est d’assurer un soutien par les pairs. Cette gestion communautaire de la maladie ne se limite pas à adopter une orientation médicale : elle prend en considération des aspects sociaux, culturels, économiques, etc.  Devant un tel fléau, c’est nécessaire, croit Léonie Beaulieu : l’ignorance commune au sujet du mode de transmission de la maladie contribue à la stigmatisation des personnes infectées, qui peinent par exemple à se trouver un logement ou à conserver leur emploi. Celles-ci doivent subir, en parallèle, l’incompréhension du système de santé. À l’époque, les conjoints de même sexe ne sont pas reconnus par la loi. Les partenaires endeuillés n’ont donc ni accès à l’assurance-vie, ni à l’héritage.


Les problématiques sont donc multiples et l’action communautaire doit se politiser. Le mouvement Act Up, créé dans cet objectif en 1987 par Larry Kramer, acquiert rapidement de la visibilité. Il organise dès lors de nombreuses manifestations et coups d’éclat, notamment contre la FDA (Food and Drug Administration). C’est également en 1987 que Gregg Bordowitz publie « Picture a Coalition », un texte marquant. Ce membre d’Act Up est également vidéographe à Diva TV. Cette création documentaire et artistique est un signe que le mouvement politique s’accompagne, nous dit notre historienne invitée, d’un volet culturel fort, qui prend en considération le vécu des individus, leurs émotions et aspirations.


1987 est une année-charnière : le premier traitement contre le SIDA, l’azidothymidine (AZT), apparaît également cette année-là. Il n’est pas sans effets secondaires ni d’une efficacité à toute épreuve, mais constitue une avancée notable. La trithérapie, quant à elle, ne sera disponible qu’une dizaine d’années plus tard.


Léonie Beaulieu note que plusieurs leçons ont été tirées des mouvements communautaires entourant la pandémie du VIH/sida, des leçons qui s’appliquent d’ailleurs, du moins en partie, à la crise que nous traversons en ce moment. Parmi celles-ci, elle compte l’importance de l’empathie et de l’inclusion!


Si vous avez manqué cette conférence, il est toujours possible de la visionner en rediffusion sur notre page facebook ou en suivant ce lien.