Compte-rendu de conférence de Bocar Niang

Compte-rendu de conférence de Bocar Niang – Renaissance de l’Afrique


Par Guillaume Bouchard Labonté, 24 avril 2019


L’idée d’une Afrique accablée par la colonisation, la pauvreté et la dictature est encore très répandue en Occident. Bocar Niang, chargé de cours à l’UQAM et à l’UQAR, a montré hier que la situation n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, et que dans les faits, l’Afrique traverse depuis quelques décennies une renaissance historique qui touche à la fois les secteurs économique, social, culturel et démocratique.


Selon Bocar Niang, la colonisation de l’Afrique doit être comprise comme un phénomène très limité dans le temps, une « parenthèse ». Les premiers États africains précèdent de milliers d’années la Conférence de Berlin, qui a permis aux puissances européennes de se partager l’Afrique à partir de 1885.


Cette colonisation, qui a duré à peine plus d’un siècle dans la plupart des pays du continent, a cependant eu des conséquences majeures sur la politique, la stabilité et la culture des régions qui l’ont connues. Particulièrement brutale – on n’a qu’à penser au Congo belge sous Léopold II – elle a marqué les esprits de manière indélébile et laissé une Afrique morcelée en 55 États aux frontières artificielles, voire absurdes.


La population du Bénin est une des premières à créer un mouvement de contestation majeur. Bocar Niang n’hésite pas à qualifier les changements vécus par les Béninois de révolution.


Et lorsque le continent se décolonialise et que ces pays artificiels déclarent leur indépendance au cours des années soixante, le défi est particulièrement grand. Comment pousser tous ces gens, qui n’ont a priori rien en commun, à développer un sentiment d’appartenance à leur nouvelle nation? Bocar Niang raconte brièvement les développements qui ont suivi la première phase de décolonisation. Selon lui, les décennies 60 à 80 ont été marquées par une conception « patrimoniale » de l’État : la plupart des États africains sont gérés par des gouvernements forts et des leaders autoritaires, souvent les « pères de la Nation »! Et si plusieurs de ces pays possèdent les mêmes institutions que dans les pays démocratiques, il ne faut pas se leurrer : les sénats et parlements sont assez souvent contrôlés par un parti unique ou un autocrate, et la presse est censurée.


Cette situation ne pouvait durer toujours. La population du Bénin est une des premières à créer un mouvement de contestation majeur. Bocar Niang n’hésite pas à qualifier les changements vécus par les Béninois de révolution : le régime marxiste-léniniste en place est forcé à des réformes et en 1990, le gouvernement de transition ouvre la voie à la démocratie et au multipartisme. C’est aussi Bénin qu’on créé la première Conférence Nationale Souveraine, c’est-à-dire une assemblée gigantesque formée de toute la société civile (syndicats, groupes de femmes, etc.). Dans les années qui suivent la révolution au Bénin, de nombreuses populations imiteront ce modèle de concertation et feront tomber plusieurs dicatures.


Ces réformes politiques, lancées un peu partout il y a déjà trente ans, ouvrent la porte à d’autres changements culturels, sociaux, psychologiques. Ces changements se poursuivent aujourd’hui. S’il apporte d’importantes nuances à ses propos en mentionnant les crises migratoires et le problème du chômage, Bocar Niang constate que l’optimisme, véhiculé jusque dans des productions cinématographiques (Comme Black Panther), est de mise. Les investissements étrangers – notamment ceux de la Chine, mais aussi des États-Unis, du Japon et de l’Inde – affluent et les États du continent parviennent de mieux en mieux à s’émanciper de l’ingérence extérieure.