La désertion en Nouvelle-France - compte-rendu de conférence

Punir la désertion en Nouvelle-France – compte-rendu de la conférence de Nicolas Fournier


Par Guillaume Bouchard Labonté, 25 mars 2019


Le 19 mars dernier, Nicolas Fournier, diplômé à la maîtrise en histoire, a non seulement donné une conférence très éclairante sur la désertion, mais aussi sur les tensions sociales reliées à la présence des soldats et sur la construction du pouvoir militaire au XVIIIe siècle.


Le portrait qu’il trace tout d’abord des soldats français cantonnés en Nouvelle-France est assez peu flatteur. Leur présence est synonyme de criminalité rampante. Souvent orphelins ou issus de milieux très pauvres, les soldats qui forment la base de l’armée française du XVIIIe siècle n’ont en plus qu’un faible attachement à leur institution, notamment en raison de leur paie assez médiocre. Il faut ajouter, à leur mode de vie déjà peu commode en période d’accalmie, les campagnes militaires difficiles, pendant lesquelles ils peuvent être blessés ou atteints de maladies aussi diverses que dévastatrices… ou simplement se perdre en forêt (ce qui est d’ailleurs considéré comme un crime de désertion).


En Nouvelle-France, la tolérance est très faible vis-à-vis du crime de désertion. La peine capitale est très souvent prescrite.


Pas étonnant de les voir quitter leur régiment en masse. Selon Nicolas Fournier, les destinations des déserteurs varient : et si beaucoup de déserteurs de la milice retournent dans une communauté du Canada, d’autres choisissent plutôt de traverser les lignes ennemies et de s’installer en Nouvelle-Angleterre.


En Nouvelle-France, la tolérance est très faible vis-à-vis du crime de désertion. La peine capitale est très souvent prescrite. Si le déserteur n’est pas repris, qu’à cela ne tienne : on peut l’exécuter « en effigie », de sorte que le fugitif n’ait pas le droit de transmettre un héritage à sa famille. C'est une mort sociale.


La répression de la désertion, en Nouvelle-France, n’est cependant que l’arbre qui cache la forêt. La manière avec laquelle on s’en préoccupe trahit, dans les faits, le développement du pouvoir militaire en Nouvelle-France à l’époque étudiée par notre conférencier. L’objectif des généraux est avant tout d’acquérir plus d’autonomie face au contrôle des autres institutions de gouvernement. Nicolas Fournier identifie plusieurs indices de ce changement : notamment dans le prestige de plus en plus grand des officiers militaires, mais aussi dans le refus catégorique de l’interférence civile – on offre par exemple 300 livres en récompense aux individus qui parviendraient à capturer des civils ayant aidé des déserteurs dans leur fuite.


Le taux exact de la désertion, entre les années 1740 et 1760, est inconnu. Les estimations d’historiens varient énormément : entre 1% et 25%! Nicolas Fournier constate, en conclusion, que l’idée derrière la répression et les changements qui accompagnent ce phénomène sont donc beaucoup plus mieux documentés par les sources.