La frontière en territoire autochtone

La frontière en territoire autochtone : histoire et enjeux actuels - Compte-rendu de la conférence de Thalia d’Aragon-Giguère


Par Guillaume Bouchard Labonté

13 février 2019


Malgré la météo menaçante et quelques ennuis techniques, une vingtaine de personnes ont chaleureusement accueilli Thalia D’Aragon-Giguère au Centre Alain-Grandbois hier, où elle est venue livrer une conférence fascinante sur les communautés autochtones transfrontalières.


Les frontières modernes des États-Nations ont souvent été imposées au mépris de l'avis des communautés situées directement sur la limite, bouleversant leur vie quotidienne. En Amérique du Nord, ce ne sont pas les histoires de familles et amis séparés par une frontière qui manquent : mais les affaires les plus complexes sont certainement celles qui ont conduit à la fragmentation de communautés autochtones. C’est donc à ces phénomènes que s’est attardée Thalia D’Aragon-Giguère, étudiante à la maîtrise en sciences politiques et chercheure en résidence à la Chaire Raoul-Dandurand.


En 1794, le Traité de Jay, signé entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, garantit en principe le libre-passage de la frontière aux Autochtones, ce qui bénéficie surtout à ceux dont le territoire traditionnel est situé à la fois dans les colonies britanniques et aux États-Unis. Dans ce traité, on reconnaît donc que les Autochtones vivent des réalités territoriales différentes de celles des colonisateurs européens. Ce sont les termes de ce traité qui ont servi à la défense de Paul Diabo, un travailleur de l’acier Kahnawake, lors de son procès en 1928.


Mais comme l’a montré notre conférencière, ce droit est constamment mis en péril par les gouvernements successifs. Le Canada considère les termes du traité nuls, ce dernier ayant été signé par la Grande-Bretagne ; des Autochtones perdent leur statut lors d’un mariage avec une personne qui vit de l’autre côté de la frontière, et cela même si cette personne est membre de la même nation ; les guérisseurs d’origine autochtone peuvent difficilement traverser la frontière avec leurs remèdes traditionnels… Les cas sont nombreux.


En 1794, le Traité de Jay, signé entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, garantit en principe le libre-passage de la frontière aux Autochtones, ce qui bénéficie particulièrement à ceux dont le territoire traditionnel est situé à la fois dans les colonies britanniques et aux États-Unis.


Thalia D’Aragon-Giguère centre une bonne partie de son attention sur la communauté kanien'kehá:ka (mohawk) d’Akwesasne, bien connue du public. Située sur le territoire de trois juridictions différentes (Ontario, Québec, États-Unis), elle a fait l’objet de beaucoup de commentaires, de luttes et de débats. En 1969 par exemple, alors que le Canada fait des misères aux membres de la communauté, ceux-ci décident de protester en bloquant un pont frontalier. Cette lutte menée par les Autochtones est racontée dans un documentaire de l’ONF, « Vous êtes en terre indienne », réalisé par Michael Kanentakeron Mitchell, et dont notre invitée a présenté quelques extraits.


Elle mentionne aussi le cas, moins connu au Québec, des Tohono-O’odham, dont la communauté est située directement sur la frontière mexicaine. Menacés par le tracé du mur que veut ériger Trump, ils doivent non seulement lutter pour rester unis, mais aussi pour préserver l’écosystème. Il est possible d’en apprendre davantage sur ces enjeux actuels en visionnant ce reportage.


L’érudition du travail de Thalia d’Aragon-Giguère, notamment, nous a aidés à déboulonner certains mythes entourant les communautés autochtones transfrontalières. Son approche mêlant histoire et sciences politiques était également à même de favoriser la compréhension d’enjeux complexes, difficiles à démêler. Ses travaux, qui se poursuivront au cours des prochains mois lors de son étude de terrain, attireront, on l’espère, l’attention qu’ils méritent.