Laval et l'Expo 67

Laval et l’Expo 67


Par Guillaume Bouchard Labonté - reprise d'un texte du 17 juillet 2017


La Ville de Laval n’a pas deux ans lorsqu'on commence à préparer l’Exposition Universelle de 1967. Dans l’esprit des citoyens et citoyennes de la nouvelle deuxième plus grande ville du Québec, c’est une occasion en or de faire valoir le talent local, et aussi de profiter de toute l’effervescence causée par l’évènement.


Mais Laval n'a encore que très peu de moyens. Elle ne peut pas se permettre d’assurer une présence flamboyante. Cela n’empêche pas l’administration de vouloir profiter des retombées économiques, notamment en commanditant un salon de réception dans le pavillon des Industries du Québec. Le commissaire industriel de Laval, Réal Gariépy, y tient un kiosque afin de rencontrer des hommes d’affaires étrangers. Il est difficile de mesurer les impacts réels de cette présence dans le pavillon des Industries, mais la presse locale en fait grand cas. Elle même fait l'objet d'une page pleine dans le Laval Notre ville de janvier 1967.


Maquette du Pavillon des Industries du Québec. Dans Our city Laval notre ville, janvier 1967, volume 2, no 4, p. 16.


Réal Gariépy n'est pas le seul Lavallois à faire parler de lui à l'Expo. La SHGIJ a déjà souligné l'histoire du célèbre 10 000 000e visiteur de l’Expo 67, un habitant de Laval. Roger Beaudet, employé dans une quincaillerie de L’Abord-à-Plouffe, traverse le tourniquet d’entrée au cours de la journée du 5 juin, comme 200 000 autres visiteurs. Mais il le fait au bon moment! Après une cérémonie et une séance-photo, on lui accordera, entre autres prix, un voyage au Canada, à la destination de son choix.


Les artistes lavallois tiennent également une place de choix dans l'évènement international. Le groupe Les 409, qui s’est à la même époque distingué sur plusieurs scènes du Québec, est par exemple invité à performer au Jardin des Étoiles le 25 juin et le premier juillet, pour le bénéfice des amateurs de swing! Les chanteurs de La Gamme d’Or, une chorale de Laval, y chante aussi des extraits d’opéras de Verdi sur une scène installée entre les pavillons de la France et de la Grande-Bretagne. Et que dire de la présence de cavaliers lavallois lors du grand spectacle équestre?


Finalistes du concours Miss Laval II en visite à l'Expo. De gauche à droite : Anne-Louise Therrien, Diane Vaillancourt, Marie-France Dupras, Lisette Champoux et Francine Robert. Crédits: Le Courrier de Laval, 1967.


L’Expo est également un lieu de rencontre pour les chambres de commerce de partout. Une soirée est réservée à celle de Laval au pavillon de la Tchécoslovaquie. Mais peu de visites font couler autant d’encre, sur l’île Jésus, que celle des finalistes de la deuxième édition du concours de Miss Laval. Le quart des articles du Courrier Laval ou presque, cette année-là, concerne les postulantes. Normal : le journal est associé au concours. Et l’Expo 67 est l’occasion parfaite de mettre les participantes en valeur dans un décor original.


Il y a beaucoup d’animation en périphérie de l’Expo. Et c’est souvent très lucratif. Déjà, en avril, on commence la construction du « Motel Expo » : on devine que tous les hôtels de la métropole seront pleins à craquer et l’occasion est trop belle d’accueillir le trop-plein de clients de l’autre côté de la rivière des Prairies. L’agrandissement du Camping Laval a des objectifs similaires. Et partout ailleurs en ville, on brasse de grosses affaires : un Lavallois, M. Blanchard, réussit même à vendre pour plus de 150 000$ en passeports de l’Expo.



Construction du "Motel Expo", au 335 Boul. Martin, en 1967. De gauche à droite: Lucien Paiement (Comité exécutif de Laval), accompagné des deux promoteurs et d'un ouvrier non-identifié. Crédits: Courrier de Laval, 1967.


Des conférences et expositions sont également organisées : dans une église de Pont-Viau, le Service de Loisirs Saint-Gilles profite du vernissage de son cours de dessin pour présenter une conférence intitulée « Vues générales de l’Expo 67 ». Pour une deuxième année consécutive, Laval organise également « L’Expo Île Jésus », qui vise à présenter les différentes industries et commerces lavallois au public.


Les jeunes ne sont pas en reste. À l’école secondaire de Laval-des-Rapides, par exemple, les élèves lancent en mai une exposition scientifique qui porte le thème de « Étudiant 67, la terre t’appartient ».


L’administration de la Ville de Laval ne voit pas seulement l’Expo 67 comme une opportunité d’affaires. Elle tente, par des initiatives sincères, d’en faire profiter ses citoyens. Les moniteurs des terrains de jeux organisent donc des activités en lien avec l’Expo. L’objectif est clairement cité dans un article du Courrier Laval : « chacun [des jeunes] veut donner ses impressions et être aussi un réalisateur dans son univers bien à lui. »


L’initiative qui fait cependant le plus de bruit à l'intérieur des limites de la ville reste l’impressionnante levée de fonds visant à payer le ticket d’entrée de l’Expo à 125 000 « déshérités ». Marcel Inkel, représentant des relations publiques pour Steinberg et résident de Pont-Viau, est l'un des portes-paroles de la campagne. Plusieurs autres personnalités y participent, dont Gaston Philion, conseiller municipal de Laval, ainsi que le Cardinal Léger.


Marcel Inkel (à droite) explique à Gaston Philion (à gauche) comment fonctionne le dévoilement des résultats de la quête. Crédits: Le Courrier Laval, 1967.


On ne néglige pas les personnes à mobilité réduite de Laval, ni les enfants. Le Service d’Escorte aux Handicapés essaie de recruter, fin juin, des bénévoles accompagnateurs. « Cela permettra à un handicapé de voir la merveilleuse réalisation qu’est « TERRE DES HOMMES » », argue l’organisme. Les enfants « inadaptés », eux, reçoivent 300 passeports gratuits du Club Optimiste Laval.


Tous ces évènements montrent bien que l’Expo connaît des échos et un intérêt extraordinaires à l’extérieur de la métropole. Sur le plan culturel et économique, l’éclipse montréalaise n’est cependant pas totale. Et si tous et toutes ont les yeux rivés vers elle, l’Expo ne draine pas toutes les énergies. Elle inspire au contraire le dynamisme de créateurs de partout.



Sources :

« Les 409 feront tourner les têtes à l’Expo ’67 ». Courrier de Laval, mercredi 21 juin 1967, p. 5. « Laval Choral Group at Expo 67 ». Courrier de Laval, mercredi 14 juin 1967, p. 12.

« La chambre de commerce de Laval à l’Expo 67 ». Courrier de Laval, mercredi, 19 juillet 1967, p. 17.

« Les finalistes de Miss Laval II à l’Expo ». Courrier de Laval, 30 août 1967, p. 3.

« Érection du ‘’Motel Expo’’ à Laval. ». Courrier de Laval, mercredi 5 avril 1967, p. 2

« Laval face à la Terre des Hommes ». Courrier de Laval, 5 juillet 1967, p. 13.

« Pour qu’ils découvrent La Terre des Hommes ». Courrier de Laval, 26 avril 1967, p. 15

« Campagne pour amener quelque 125,000 déshérités à l’Expo ». Courrier de Laval, mercredi 12 avril 1967, p. 24.

« Le dix-millionnième était de Laval. » Our city Laval notre ville, volume 2, numéro 6, (juillet 1967), p. 28.

« Présence de Laval à l’Expo. » Our city Laval notre ville, janvier 1967, volume 2, no 4, p. 16.

« Du nouveau au Camping Laval ». Courrier de Laval, 14 juin 1967, p. 17. « Expo 67 : Dessin à Pont-Viau ». Courrier de Laval, 5 avril 1967, p. 8.

« Pouvez-vous escorter un handicapé à l’Expo? » Courrier de Laval, 28 juin 1967, p. 3.

« Le Club Optimiste Laval offre 300 passeports à des jeunes inadaptés ». Courrier de Laval, 28 juin 1967, p. 5.

« Le Champion des vendeurs québécois de passeports pour l’Expo ’67 à Laval? » Le Courrier de Laval, 28 juin 1967, p. 4.