Le Yodel, boîte à chansons lavalloise

Le Yodel et autres boîtes à chansons lavalloises (1963-1967)

Par Guillaume Bouchard Labonté - 20 octobre 2017


Au début des années soixante, alors que la parole québécoise est en pleine effervescence et que les boîtes à chansons deviennent un véritable phénomène culturel, la population de Laval cherche à aménager ses propres lieux de création. Plusieurs nouvelles organisations naissent à ce moment-là. C’est le cas de la boîte à chansons Yodel, qui s’est installée au chalet de tennis de Duvernay, dans l’actuel parc Saint-Victor.


Chalet de Tennis de Duvernay, sur la rue de Beauport. Tiré du Courrier Laval, 15 juillet 1964, p. 14. Aujourd’hui pavillon du Parc Saint-Victor.C’est le 15 novembre 1963 que la boîte est ouverte par des jeunes des environs, et le succès est immédiat. Il faut dire que le comité d’organisation a réussi à attirer des artistes au grand potentiel : c’est un spectacle de Renée Claude qui marque la soirée d’ouverture[1].   Le deuxième récital est donné, lui, par Pierre Létourneau. Et les journalistes qui y assistent en gardent une très bonne impression. Dans Le Courrier Laval, par exemple, on affirme que « la soirée fut couronnée d’un succès sans précédent : aux deux tours de chant de Pierre Létourneau, la salle était comble et il s’en fallut de peu pour que les organisateurs soient forcés de refuser des gens. À chaque chanson terminée, la Boîte vibrait sous les tonnerres d’applaudissements, de bravos et de rappels. »[2]. Létourneau commence alors à peine sa carrière d’auteur-compositeur-interprète, et son œuvre emprunte légèrement au style de Brel.


Les bons commentaires fusent de partout. Lors de cette soirée mémorable du 29 novembre, Gilles Vigneault se trouve également sur place, et il qualifie l’ambiance de « sensationnelle »[3]. Dans les mois suivants, le Yodel reçoit d’autres personnalités de la chanson, telles que Jacques Blanchet[4], Germaine Dugas[5] et même Félix Leclerc[6]. Ce dernier chante cependant dans une autre salle louée par le Yodel : celle de l’église Saint-Maurice, située aux angles Champfleury et Hauterive.


Le Yodel n’est pas une boîte à chansons ordinaire. Le chalet de tennis de Duvernay est un édifice municipal et le Yodel est un organisme sans but lucratif qui vise à fournir à la population des « loisirs sains » et financièrement accessibles à tout le monde[7]. Il est associé à un ciné-club du même nom et à un groupe qui organise des excursions de ski. Autre particularité : on n’y sert pas d’alcool!


Les bons commentaires fusent de partout. Lors de cette soirée mémorable du 29 novembre, Gilles Vigneault se trouve également sur place, et il qualifie l’ambiance de « sensationnelle ».

Les activités du Yodel continuent d’attirer des foules dans les années suivantes, mais aucune boîte à chansons n’est éternelle. Un des derniers concerts que nous avons pu y retracer fut celui de Jean-Guy Moreau, en mars 1966[8]. Entretemps, plusieurs autres boîtes à chansons ont ouvert à Laval : « Aux Molécules » est inaugurée au printemps 1965[9], notamment. Le maire de Laval, Jean-Noël Lajoie, est d’ailleurs présent lors de la soirée d’ouverture. En outre, le Trou de Souris anime la vie musicale de Laval-des-Rapides (cette boîte à chansons reçoit notamment Stéphane Venne en novembre 1967[10]). À Pont-Viau, on ouvre la boîte Natawi, qui reçoit également des stars de la chanson québécoise[11], mais aussi La Source[12], très active entre 1965 et 1966. Félix Leclerc s’y produit à la Saint-Jean de 1965[13].


Le Centre d’Art de Laval (qui emprunte parfois une salle à l’école secondaire de Saint-Martin)[14] et l’auditorium de la Régionale des Mille Îles (sur le boulevard Laval à Sainte-Rose)[15] organisent également le même genre d’évènements musicaux. Entre 1963 et 1967, Laval n’est donc définitivement pas en pénurie de boîtes à chansons!


Le Yodel et les autres boîtes de Laval ne sont toutefois pas des exceptions, ni dans leur durée de vie souvent limitée, ni dans le caractère explosif de leur floraison. Selon Jean-Guy Gaulin, « plusieurs boîtes n’ont pas la vie longue, devant fermer leurs portes pour cause de non-rentabilité. Qu’à cela ne tienne, elles sont vite remplacées par une nouvelle à quelques quartiers ou coins de rue de distance »[16].


La plupart des boîtes à chansons de cette première génération disparaissent au début des années soixante-dix. À Laval, leur déclin suit de peu celui du Yodel. Ces organisations auront tout de même permis à des dizaines d’artistes de mieux se faire connaître du public lavallois et de contribuer à l’affirmation culturelle si caractéristique du début de la Révolution tranquille.




[1] « À Duvernay ». La Presse, 14 novembre 1963, p. 14.

[2] « La Boîte à chansons Yodel ».  Le Courrier Laval, 4 décembre 1963, p. 17.

[3] Ibid, p. 17.

[4] « Jacques Blanchet à la Boîte Yodel ». Le Courrier Laval, 11 décembre 1963, p. 7.

[5] Télé-Radiomonde, 4 avril 1964, p. 20.

[6] « Félix Leclerc à Duvernay ». Le Courrier Laval, 15 avril 1964, p. 22.

[7] Ibidem.

[8] Dollard Morin. « Loisirs et récréation ». La Presse, 10 mars 1966, p. 28. Aussi La Presse, Section Les Arts, 11 mars 1966, p. 14.

[9] En face de l’église Saint-Maxime. « Les Mollécules s’ouvre à Chomedey ». Le Courrier Laval, 9 juin 1965, p. 3.

[10] « Prochain spectacle Trou de Souris » Le Courrier Laval, date inconnue (automne 1967), p. 9. Le Trou de souris était situé au 395, boul. des Prairies.

[11] Au 200, Boul. de La Concorde. « Pierre Létourneau à la boîte Natawi à Pont Viau » Le Courrier Laval, 24 novembre 1965, p. 17.

[12] Au 664, rue Saint-André. Dollard Morin. « Loisirs et récréation ». La Presse, 10 mars 1966, p. 28. Aussi La Presse, Section Les Arts, 11 mars 1966, p. 14.

[13] « Félix Leclerc fêtera la Saint-Jean à Pont-Viau ». Le Courrier de Laval, 16 juin 1965, p. 12.

[14] « Soirée de chansons ». Le Courrier Laval, 5 avril 1967, p. 14.

[15] « Spectacle à la Boîte à chansons de la Régionale des Mille îles ». Le Courrier Laval, 12 avril 1967, p. 11.

[16] Jean-Guy Gaulin. « L’époque des boîtes à chansons ». Cap-aux-Diamants, numéro 35, 1993, p. 17-18.