L'École Maïmonide: compte-rendu de conférence

La communauté judéo-francophone et la question scolaire (1948-1980) : compte-rendu de la conférence de Christine Chevalier-Caron


Par Guillaume Bouchard Labonté – 4 avril 2018


La communauté juive séfarade du Québec compte environ 20 000 personnes. Elle est très majoritairement francophone et issue d’une vague d’immigration qui a débuté au milieu des années cinquante. Christine Chevalier-Caron, doctorante en histoire à l’UQAM, s’intéresse à l'histoire de leur attachement pour l’éducation en langue française.


C’est en étudiant tout d’abord la question du colonialisme français en Afrique du Nord que Christine Chevalier-Caron est entrée en contact avec l’histoire des communautés juives marocaines. Elle a découvert, parallèlement aux liens qui unissent le Maroc avec l’Hexagone, des relations intercommunautaires internes (entre Juifs et Musulmans, surtout) d’une très grande complexité. Tout d’abord harmonieuses, celles-ci finissent par s’empoisonner – comme ailleurs sur le continent, les tensions se sont installées après l’intervention coloniale – et une partie de la communauté juive séfarade décide de s’exiler. Des milliers de Séfarades aboutissent donc à Montréal.


Notre invitée du 3 avril, qui a multiplié les entrevues avec des membres de cette communauté, constate que l’omniprésence du français au Québec a été un argument très fort en faveur de leur migration. C’est que les Séfarades ont, pour le meilleur ou pour le pire, été profondément marqués par leur éducation dans les écoles de l’Alliance Israélite Universelle (AIU), une organisation fondée en 1860 par six intellectuels. Celle-ci visait à faire la promotion d’une éducation laïque, française et républicaine, tout en mettant de l’avant plusieurs éléments de la culture juive. En arrivant à Montréal, les diplômés de ces écoles espèrent donc avant tout pouvoir garantir une éducation similaire à leurs enfants.


Il faut attendre 1969 pour qu’une solution viable soit enfin appliquée : on fonde une école francophone juive, inspirée du modèle de l’AIU.


Mais le défi est grand, constate Christine Chevalier-Caron. Le Québec vit encore, à la fin des années cinquante, sous le régime des écoles confessionnelles. Les enfants de religion juive sont accueillis dans les écoles protestantes – donc de langue anglaise – et leur intégration dans les commissions scolaires catholiques francophones est encore quasi-impensable. Les Séfarades font donc face à un dilemme difficile, selon l’historienne : malgré leur attachement profond à leur propre culture, ils doivent a priori accepter l’assimilatrion à la communauté juive ashkénaze anglophone, majoritaire, mais qui ne partage ni la même langue ni même exactement les mêmes rites.


Il faut attendre 1969 pour qu’une solution viable soit enfin appliquée : on fonde une école francophone juive, inspirée du modèle de l’AIU. Nous sommes alors en pleine Révolution Tranquille. L’École Maïmonide reçoit donc le soutien du gouvernement provincial et du Congrès Juif Canadien. Gérard Barbeau, commissaire à Montréal, est également enthousiaste. Plusieurs portes s’ouvrent enfin, dont celle de l’école Saint-Antonin! On y prête des locaux jusqu’alors inoccupés. Mais ceux-ci ne suffisent bientôt plus. Après quelques années, l’École Maïmonide déménage dans un nouvel espace : un édifice complet lui a été confié par la Commission scolaire.


L’École Maïmonide est toujours bien vivante aujourd’hui. Plus de mille élèves la fréquentent, et une bonne partie de son corps enseignant en est issu ! Christine Chevalier-Caron y observe quelques changements, mais également une forte tendance vers la continuité : elle reconnaît, dans l’approche pédagogique, divers aspects hérités de la philosophie de l’AIU. L’enseignement en français en reste la pierre angulaire.