L'Église Unie : compte-rendu de conférence

La fondation de l’Église Unie du Canada et les églises locales – compte-rendu de conférence de Julie Bérubé


Par Guillaume Bouchard Labonté

17 octobre 2018


Julie Bérubé, diplômée en études québécoises à l’UQTR, a consacré sa maîtrise à l’étude des débats qui ont mené à la fondation de l’Église Unie du Canada. Le 9 octobre dernier, elle nous a livré le récit de cette phase houleuse de l’histoire religieuse canadienne – et québécoise.


Ce sont trois larges groupes protestants qui ont fusionné en 1925 afin de donner naissance à l’Église Unie du Canada : l’Église méthodiste, l’Église congrégationaliste et l’Église presbytérienne. Ce faisant, la nouvelle organisation est devenue la plus importante confession protestante au Canada, avec, sous sa coupe, plusieurs millions de fidèles. Le Québec, qui compte une importante minorité anglo-protestante, ne fait pas bande à part. Julie Bérubé s’est donc particulièrement intéressée à celle de Sherbrooke, qui subit au début du siècle les mêmes débats que dans les autres grandes villes du Canada.


Les trois églises protestantes négocient leur fusion depuis le tout début du siècle. Ce n’est pas une chose simple, car il leur faut parvenir à une vision consensuelle de la religion et des pratiques. Les Presbytériens, Méthodistes et Congrégationalistes ont beaucoup de points en commun, mais également d’importantes distinctions : les Presbytériens, par exemple, accordent une très grande importance à l’instruction, alors que les Méthodistes ont une approche centrée sur le soutien aux pauvres.


Les raisons qui poussent ces trois groupes à s’unir sont toujours débattues par les historiens, affirme Julie Bérubé. Il apparaîtrait, selon certains chercheurs, que les désaccords théologiques se seraient amoindris naturellement avec le temps. Selon d’autres chercheurs, cette fusion s’explique par le désir de beaucoup de sauvegarder la puissance et l’influence du protestantisme au Canada, supposément menacées par l’immigration en provenance de l’Europe de l’Est. D’autres encore y voient la volonté de mettre les efforts en commun pour préserver la moralité publique, ou simplement de sauver l’Église de la ruine financière.

La fusion, chez les Presbytériens, entraîne des divisions importantes. Après l’échec du référendum de 1925 à St. Andrew's de Sherbrooke, la faille devient un gouffre : 140 fidèles quittent pour la nouvelle Église Unie.


Dans tous les cas, cette fusion ne se fait pas dans l’harmonie la plus absolue. Les trois églises fonctionnent selon des modes organisationnels très différents les uns des autres. Les Méthodistes et Presbytériens ont une organisation verticale et hiérarchique : leurs instances suprêmes sont souveraines. Chez les Congrégationalistes, on s’organise de manière bien plus horizontale : ce sont les églises locales qui détiennent l’essentiel du pouvoir. Or, le projet de la future Église Unie propose une fusion « organique », qui ne tient plus vraiment compte de ces différences organisationnelles.


Les débats qui retardent la fusion tant attendue au cours de première moitié de la décennie 1920 ne se font cependant pas sentir autant du côté des Congrégationalistes (avec leur structure horizontale) que du côté presbytérien.


En effet, en 1921, une partie de la base presbytérienne conteste l’union, pourtant appuyée par 79% de leurs délégués! Ceux-ci forment une élite assez peu inclusive, affirme l’historienne : ce sont essentiellement des notables et la plupart ont des moyens financiers supérieurs à la moyenne des fidèles – car il faut du temps et des ressources pour s’impliquer dans les instances de l’Église. Pas étonnant, pourrait-on en conclure, qu’ils ne soient pas exactement au diapason des préoccupations de la base.


Julie Bérubé décrit méticuleusement le débat qui fait alors rage chez les Presbytériens. Pamphlets, propagande, conférences, création d’organisations féminines et masculines visant à défendre les positions adverses : les discussions s’avivent. Dans les communautés, remarque la conférencière, on vote toutefois rarement contre  l’avis du pasteur. Sherbrooke est un excellent exemple de cette tendance : lorsque le Parlement canadien impose un référendum sur la fusion dans chacune des églises concernées, les trois quarts des Presbytériens de l’Église St. Andrew's appuient la position de leur pasteur opposé à la fusion, malgré l’important comité qui milite en faveur de l'Église Unie.


La fusion, chez les Presbytériens, entraîne des divisions importantes. Après l’échec du référendum de 1925 à St. Andrew's de Sherbrooke, la faille devient un gouffre : 140 fidèles la quittent pour la nouvelle Église Unie. Selon la conférencière, à travers le Canada, de nombreuses familles et communautés sont déchirées : ce ne sont d'ailleurs que 70% des églises presbytériennes qui acceptent la fusion. Aujourd’hui, elles comptent toujours près de 100 000 membres au Canada, selon Wikipédia, contre plus de deux millions pour l’Église Unie.