L'Iliade et l'Odyssée - compte-rendu de conférence
L’Iliade et l’Odyssée – compte-rendu de la conférence de Magalie Laguë Maltais
Par Guillaume Bouchard Labonté, 3 juin 2020
L’Iliade et l’Odyssée font partie intégrante du ciment de la culture grecque antique. C’est ce que nous a démontré Magalie Laguë Maltais, étudiante au doctorat en histoire à l’UQAM, lors de sa conférence du 2 juin dernier.
Spécialiste de l’histoire grecque, notre invitée a mis l’accent sur le contexte de production et de diffusion de ces récits qui sont restés célèbres jusqu’à aujourd’hui. Elle remet ainsi en question, à la faveur d’une historiographie tout aussi perplexe, l’existence réelle du poète Homère. Elle oppose à la théorie d’un auteur unique celle de multiples poètes, l’interprétation et la transmission orale étant eux-mêmes le fait d’aèdes. Ceux-ci ont d'ailleurs probablement pris certaines libertés au cours des cinq siècles qui séparent la date présumée de la guerre de Troie de la mise par écrit de l’Iliade et de l’Odyssée.
Vraisemblables ou pas, les épopées homériques ont contribué à unir culturellement une Grèce déchirée par les guerres entre ses innombrables cités-États.
Plusieurs historiens situent la guerre de Troie à la fin de la civilisation mycénienne, qu’on connaît grâce aux sources archéologiques, aux sites et monuments imposants – par exemple la porte aux Lions, à Mycènes – et à son système d’écriture, le Linéaire B. La chute de cette civilisation entraîne la disparition de l’écriture dans l’ensemble de la Grèce ainsi que d’autres importants changements socio-culturels. Plusieurs sites anciennement occupés sont abandonnés et les rituels subissent certaines modifications. Surviennent alors les « Siècles obscurs », plus difficiles à documenter. Le récit épique de la Guerre de Troie semble d’ailleurs lui-même culturellement influencé par la chute de la civilisation mycénienne, puisqu’on y retrouve certains traits typiques des Siècles obscurs. Par exemple, les héros décédés y sont incinérés, en accord avec la coutume des Siècles obscurs, plutôt qu’inhumés, comme le veut la tradition mycénienne.
Plusieurs éléments de la Guerre de Troie sont évidemment fantasmés, affirme notre invitée. Dans l’Iliade, les dieux interviennent directement, prennent parti pour l’un ou l’autre des camps, dialoguent avec certains héros. Mais la cité mythique elle-même semble bel et bien avoir existé. Les traces archéologiques d’une cité s’apparentant beaucoup à l’antique Troie a été découverte par Schliemann au XIXe siècle, sur la côte anatolienne. Cela dit, il est encore impossible de savoir si un siège de dix ans a réellement eu lieu devant la ville à l’époque présumée.
Il en va de même pour l’Odyssée. Si on tente parfois d’associer les lieux mythiques visités par Ulysse à des endroits réels (le canal de Sicile à Charybde et Scylla, par exemple), il est impossible de confirmer l’existence des héros de cette célèbre épopée.
Vraisemblables ou pas, les épopées homériques ont contribué à unir culturellement une Grèce déchirée par les guerres entre ses innombrables cités-États, soutient notre invitée. L’étude de ces longs poèmes nourrit les réflexions et les débats entre Grecs sur de nombreux sujets : comment devrait-on administrer la justice? Qu’est-ce qu’un bon citoyen ou un bon guerrier? Quels idéaux doivent guider nos vies? Elles ont en bref un impact immense sur la culture et la conscience de la Grèce, tout en contribuant à cimenter cet ensemble hétéroclite de sociétés aux dialectes, structures politiques et modes de vie diversifiés.