Mouvement vert - compte-rendu de conférence

L’Histoire du mouvement écologiste québécois – compte-rendu de la conférence de Bruno Massé


Par Guillaume Bouchard Labonté, 10 juin 2020


Bruno Massé a récemment publié La lutte pour le territoire québécois: entre extractivisme et écocitoyenneté, chez XYZ. Dans cette monographie, il soumet une intéressante analyse du mouvement environnemental et écocitoyen québécois. Le 9 juin dernier, lors de sa conférence, il s’est attardé aux changements survenus au sein du mouvement au cours des six dernières décennies.


Si des premiers embryons de la pensée écologiste se sont développés bien avant les années 1950-60, c’est définitivement au cours des « Trente Glorieuses » que le mouvement vert a fleuri dans le monde, de même qu’au Québec. Propulsés par la contre-culture et l’éveil politique d’une nouvelle génération d’activistes, de nombreux organismes deviennent rapidement très actifs au sein de la population québécoise. La première grande lutte écologiste des années soixante que Bruno Massé identifie est celle qui vise à empêcher la construction d’une quinzaine de réacteurs nucléaires sur les rives du Fleuve Saint-Laurent. Cette contestation massive est couronnée d’un certain succès : seulement deux centrales, Gentilly 1 et 2, seront finalement mises en opération.


On ne s’arrête pas en si bon chemin : la multiplication des organismes visant la protection de l’environnement conduit éventuellement à la création de divers regroupements : le RCEN, par exemple, qui vise à coordonner le mouvement à l’échelle canadienne, est fondé au milieu des années 70, et le RQGE en 1983.


Les activistes des années 60-70 sont cependant dans une situation précaire. Pour la plupart bénévoles et surchargés, ils risquent l’épuisement. De plus, à la fin des années 70 et dans les années 80, un nouveau danger apparaît : celui de la cooptation par le gouvernement et du compromis avec les industries. La création des Conseils régionaux de l’environnement (CRE), durement critiqués par Bruno Massé, amènent, en ce sens, une certaine division au sein du mouvement environnemental québécois. Le CRE ont selon lui davantage un rôle de concertation que de défense de l’environnement! Mais leur création amène une certaine reconnaissance du rôle des écologistes à l’échelle gouvernementale : la tentation est donc très forte de s’y joindre.


Les années 80 amènent avec elles un changement profond dans le rôle de l’État : le néolibéralisme provoque la dérégulation et de nombreuses privatisations. Le mouvement écologiste québécois en souffre beaucoup. L’épuisement devient de plus en plus endémique.


C’est le rapport Brundtland, publié en 1987 par une commission mondiale dirigée par la célèbre Norvégienne Gro Harlem Brundtland, qui donne un coup d’envoi au concept de « développement durable ». Cette nouveauté n’a pas que des bienfaits : à partir de ce moment, selon Bruno Massé, de plus en plus d’industries (très polluantes ou pas) ne se gênent pas pour récupérer le mouvement.


Parallèlement, plusieurs groupes écologistes, plus critiques du système, ont adopté l’approche de « l’écologie politique » et se sont rapprochés du mouvement communautaire, avec qui ils ont beaucoup en commun. Ils mèneront au cours des décennies suivantes de très nombreuses luttes, à petite comme à grande échelle. Les défis gigantesques, la répression, le profilage et la précarité provoquent toutefois la dissolution de nombreuses organisations. C’est d’ailleurs dans un contexte de mesures d’austérité sévères qu’environ 200 organismes écologistes disparaissent au cours des années 2000, marquées par l’élection de Jean Charest et de Stephen Harper.


Les années 2010 amènent leur propre lot de changements. C’est lors de cette décennie que Bruno identifie le développement le plus rapide de ce qu’il appelle le « citoyennisme ». Environ 130 groupes « éco-citoyens » sont créés, par exemple, dans le cadre de la lutte contre les gaz de schiste. Le lexique est différent mais dans les faits, il s’agit d’authentiques groupes écologistes dont l’approche, la stratégie et l’auto-identification se sont adaptées au contexte des différents enjeux. En 2020, les autres types de regroupements n’ont toutefois pas disparu. Les centaines d’organismes qui constituent le mouvement ont des approches très variées : certains sont plus démocratiques, d’autres plus hiérarchiques; certains sont plus contestataires, d’autres plus réformistes.


L’état actuel du mouvement vert montre que sa diversification ne l’a pas affaibli. Selon notre invité de la semaine, c’est simplement la preuve qu’il a suivi un développement similaire aux autres mouvements sociaux, qui sont constitués d’organismes aux pratiques démocratiques, idéologies et modes d’action variés.