Patriotes en exil: compte-rendu de la conférence de Julien Mauduit

Patriotes en exil : le rêve d’une « vraie république ». Compte-rendu de la conférence de Julien Mauduit


Par Guillaume Bouchard Labonté – 24 avril 2018



Tout le monde, ou presque, connaît l'histoire des Patriotes de 1837-1838. Cette histoire fait même partie du paysage urbain à Montréal : à la station Papineau, par exemple, une immense fresque a été créée pour en commémorer les haut-faits. Mais on ignore cependant l'exacte influence de ces rébellions sur les politiques américaines.


C'était le sujet de thèse de doctorat de Julien Mauduit, professeur assistant à l'Université McMaster. Et ses conclusions sont autant audacieuses qu’étonnantes : il réévalue, de fait, tout le rôle qu’ont joué les rébellions dans la politique américaine. Selon lui, elles ont non seulement mené à une remise en question du gouvernement britannique, mais aussi des pratiques républicaines états-uniennes.


Julien Mauduit nous apprend que le public américain suivait les actualités politiques canadiennes de près. Les journaux de William Lyon Mackenzie, du Dr Côté et de Ludger Duvernay sont d’ailleurs distribués et lus dans plusieurs villes des États-Unis. Et ce n’est pas qu’une affaire de curiosité : la population appuie tacitement les Patriotes du Haut et du Bas-Canada.


C’est pourquoi, en 1837, on croit fermement dans les cercles patriotes que les États-Unis vont déclarer la guerre à l’Empire britannique. Ils ont des motifs sérieux : un conflit frontalier au Maine, entre autres, empoisonne les relations. Mais Van Buren, le Président de l’époque, n’est absolument pas intéressé. Les États-Unis traversent alors une grave crise bancaire qui mine déjà l’autorité présidentielle, et les Patriotes canadiens lui semblent ne représenter qu’un ennui supplémentaire, voire un danger.


Les journaux de William Lyon Mackenzie, du Dr Côté et de Ludger Duvernay sont distribués et lus dans plusieurs villes des États-Unis. Et ce n’est pas qu’une affaire de curiosité : la population américaine appuie tacitement ou ouvertement les Patriotes du Haut et du Bas-Canada.


Papineau en exil le découvrira rapidement : ne parvenant pas à convaincre les autorités américaines de financer les rébellions, il jette l’éponge. Sans son leadership unificateur, le mouvement est divisé et la porte ouverte à des réformateurs plus radicaux. Parmi ceux-ci se trouve notamment le fameux Robert Nelson, qui finit par diriger le groupe. Julien Mauduit a consacré une bonne partie de sa conférence à parler des idées de ce groupe de « vrais républicains », qui ne voient plus le gouvernement américain comme un modèle à suivre. Au contraire, ils le critiquent sévèrement : après tout, c’est un régime esclavagiste qui a accepté de collaborer avec la monarchie anglaise. Les grandes lignes de l’utopie politique que ces patriotes tracent alors sont celles d’une république plus égalitaire, multiculturelle, libre de la hiérarchie aristocratique des banquiers – un thème récurrent chez leurs alliés américains – et qui s’éloigne de plus en plus des pratiques américaines.


Cela ne plaît pas davantage au Président Van Buren. Lors des évènements de 1838, l’armée américaine collabore de beaucoup plus près avec les autorités britanniques, et refuse même de répondre à ce qui pourrait, a priori, constituer un casus belli. Le soutien de la population américaine, les efforts déployés par les Patriotes pour déclencher la guerre, cette idée concurrente de « vraie république » finissent cependant par coûter cher à Van Buren. Si cher que ces facteurs contribuent fortement à la défaite du Président sortant en 1840, selon les observations de Julien Mauduit ! Mais le nouveau gouvernement (tout d’abord dirigé par William Henry Harrison et ensuite par John Tyler) ne satisfait pas aux exigences des radicaux, même s’il a profité du mécontentement pour se faire élire. Il signe plutôt le traité Webster-Ashburton, en 1842. Ce dernier met fin à la « guerre d’Aroostook » et stabilise la frontière entre les États-Unis et les colonies britanniques.