Pouvoir et complots en Égypte ancienne - conférence

Par l'équipe (11/09/17)


C’est Guillaume Bouchard Labonté qui a lancé notre saison de conférences de l’automne. Étudiant au doctorat à l’UQAM et employé de la SHGIJ, il a également participé à une mission épigraphique au Grand Temple d’Amon de Karnak, en Égypte.


La conférence portait sur un sujet voisin de sa thèse (presque complétée) : les structures et l’exercice du pouvoir, spécialement au Nouvel Empire (env. 1500-1000 AEC). Il a tout d’abord tenu à remettre en question deux idées préconçues : tout d’abord l’absolutisme du pharaon, souvent perçu comme un roi presque omnipotent, et l’emprise de la religion instituée et de ses principes moraux sur les Égyptiens. Il a ensuite donné quelques détails sur l’histoire administrative de l’Égypte ancienne.  Il a notamment mentionné les nomarques – ces puissants gouverneurs locaux de l’Ancien Empire – les tribunaux civils et oracles, les villes-temples, etc. Il a aussi montré l’importance du contrôle de certaines régions extérieures à la Vallée du Nil : la prospérité pharaonique dépendait en grande partie de ses conquêtes et de l’étendue de sa zone d’influence.


Selon le jeune égyptologue, et malgré le caractère tyrannique et violent du régime pharaonique, malgré le conservatisme religieux et social de la population, les transgressions étaient courantes au Nouvel Empire, et l’imaginaire égyptien était marqué par une certaine forme de recherche d’indépendance. Tous n’obéissaient pas au doigt et à l’œil. À ce sujet, il mentionne d’ailleurs qu’un grand nombre de textes propagandaires du Nouvel Empire s’attaquent aux « rebelles ». La rébellion, sous toutes ses formes, était un sujet de préoccupation constant pour le pouvoir, et celui-ci n’hésitait pas à les réprimer dans le sang. Guillaume Bouchard Labonté cite quelques exemples : les révoltes d’Aaata, puis de Tetian au début du Nouvel Empire, et la rébellion de Panhésy, qui aurait eu lieu vers le XIe siècle avant notre ère.


Il en a profité pour parler de certains personnages puissants parfois en mesure de défier le pouvoir du roi. Parmi eux, le Grand-Prêtre d’Amon et le vice-roi de Kouch. Leurs assises leur permettent parfois même de considérer le pharaon comme un rival. Mais leurs tractations mènent rarement, au cours du Nouvel Empire, à un chavirement total du pouvoir.


L’égyptologue en formation mentionne plusieurs tentatives de pustchs et d’assassinats. Un des coups d’État les plus réussis fut certainement celui de Horemheb. Quelques années après la mort de Toutankhamon, il parvient en effet à évincer Nakhtmin et à s’asseoir sur le trône. Il reste confortablement installé dans cette position pendant presque trente ans.


Pentaour a beaucoup moins de chance. Fils d’une épouse secondaire de Ramsès III, il est entraîné, peut-être en partie malgré lui, dans un complot qui vise le pharaon vieillissant. Guillaume Bouchard Labonté insiste particulièrement sur les intrigues politico-légales qui suivent l’échec de cette tentative de putsch. Car si l’assassinat réussit, la suite est catastrophique pour les conjurés. Ramsès IV, successeur légitime de Ramsès III, prend le pouvoir et poursuit les coupables. Cette série d’évènements est connue sous le nom de Conspiration du Harem.


Selon le conférencier, cette conspiration est un exemple probant des limites du pouvoir du pharaon. Tout d’abord parce qu’un des pharaons les plus puissants de la fin du Nouvel Empire est assassiné par ses proches – sans doute une concubine ou une épouse. Ensuite parce que malgré le couronnement de Ramsès IV, celui-ci n’arrive que difficilement à obtenir justice. Certains des juges présidant les enquêtes sont même limogés. Autre signe, selon le chercheur, de non-absolutisme : plusieurs des accusés reçoivent le « privilège » de mourir « par eux-mêmes » plutôt que de subir une exécution.  Selon lui, le « privilège » de se suicider n’est ni uniquement lié au statut social, ni à la gravité du crime : il s’agit aussi, et surtout, du pouvoir de négociation des accusés. Car eux seuls connaissent les noms de leurs complices! Il suggère que des enquêteurs auraient pu accepter ce compromis en échange d’informations.


Le Nouvel Empire égyptien est une période de remarquable prospérité. Mais comme l’a montré notre invité, la stabilité s’y maintient au prix d’une vigilance constante, et le pouvoir n’est jamais infaillible.