Régime seigneurial et Autochtones - compte-rendu de conférence

Régime seigneurial à Odanak et Kahnawake – compte-rendu de la conférence d’Isabelle Bouchard


Par Guillaume Bouchard Labonté, 3 avril 2019


 C’est Isabelle Bouchard, prof d’histoire des Autochtones à l’UQTR, qui a le 2 avril dernier été l’invitée du CAL et de la SHGIJ. Devant une salle presque pleine, elle a résumé ses recherches doctorales, complétées en 2017, et qui concernaient un sujet hors du commun : l’intégration de communautés autochtones dans le régime seigneurial, sous le régime britannique.


La récipiendaire de plusieurs prix (dont celui de la meilleure thèse politique, remis par l’Assemblée Nationale) amène un point de vue étonnant sur les communautés autochtones de Kahnawake et d’Odanak, appartenant respectivement aux nations mohawk et abénaquise. Ses recherches ont en effet permis de conclure que ces deux entités se sont adaptées au régime seigneurial, toujours en place au Québec après la Conquête. Les structures qu’on y retrouvait étaient les mêmes : moulin banal, censitaires, servitudes, etc.


Si le Chef est considéré comme le représentant de la seigneurie, il n’est cependant, dans les faits, pas propriétaire des terres.


Les Autochtones parviennent à arrimer leurs structures politiques traditionnelles au régime seigneurial. Si le Chef est considéré comme le représentant de la seigneurie, il n’est cependant, dans les faits, pas propriétaire des terres. Celles-ci sont plutôt détenues par la communauté. Les revenus tirés du droit seigneurial servent d’ailleurs au bien commun : réfection de l’église, soutien aux familles pauvres, réparation des clôtures, etc.


Les seigneurs autochtones ont une certaine latitude au début des années 1800, de sorte que du point de vue de la pratique du droit, leurs communautés ne se distinguent pas beaucoup des seigneuries voisines. Ce droit seigneurial est cependant remis en question par les autorités, surtout au cours de la décennie 1820. On souligne par exemple la nature temporaire des concessions originales, qui datent du régime français. Ce changement n’est pas étranger, selon Isabelle Bouchard, à la perte du statut d’alliés militaires des Premières Nations à cette époque : on les considère de plus en plus comme des individus qui doivent être civilisés. Évidemment, les personnes concernées ne se laissent pas démonter, ce qui donne lieu à plusieurs poursuites judiciaires, notamment contre des censitaires.


Le régime seigneurial, comme on le sait, est aboli en 1854. La loi sur les Indiens, qui suit en 1876, n’arrange rien. Les revendications territoriales, elles, se maintiennent.