Hugh Hefner et le club Playboy de Montréal

Par Guillaume Bouchard Labonté

4 octobre 2017

Montréal, été 1967. L’été de l’Expo bien sûr, mais aussi celui de l’ouverture du Club Playboy. Le premier gérant, Tony Roma, devait multiplier les évènements promotionnels dans les mois précédant et suivant l’inauguration. Les « bunnies », elles, ne sont pas sous secret : elles sont au contraire fortement médiatisées. On les voit notamment aux courses de chevaux[1], on annonce une campagne de recrutement dans le journal[2] et on en entend même une (démissionnaire) raconter son expérience sur les ondes de la radio d’État[3]! Entre quarante et soixante femmes ont été embauchées avant la soirée d’ouverture du 14 juillet. Pour éviter les débordements, on a établi des règles assez strictes concernant leur comportement : « ne jamais se mêler aux invités et aux clients! Défense de sortir avec eux! Photos? Danse? Oui, mais… sans contact physique! »[4]




Leur « « patron », le « boss » est une divinité à part, qu’il ne faut ni déranger, ni rendre trop proche au commun du mortel.[5] » C’est ainsi qu’Alain Raymond décrit Hugh Hefner en 1968. Sa manière de se comporter à Montréal le confirme. Lors de sa visite à l’Expo 67, il « fait une plus ou moins sainte colère » : c’est qu’on a fait l’erreur de lui refuser l’accès à la salle de repos de la presse sous prétexte qu’il n’a pas d’accréditation[6]. Et il a l’habitude d’être traité comme un prince. Lorsqu’il descend de l’avion, le jour de l’ouverture de son nouveau club de la rue Aylmer, il est accueilli en grande pompe, notamment par ses nouvelles employées en uniforme, la musique des Classels et une foule de journalistes. Couvert des baisers de ses nouvelles bunnies, il commente : «This is a kissy, kissy city! »[7]. Dans la conférence de presse qui suit, et où on parle de politique (car Hugh Hefner est alors reconnu pour son appui aux progressistes), il explique qu’il a choisi d’installer son nouveau club à Montréal en raison du rayonnement de l’Expo, mais aussi parce que la ville est « très sophistiquée »[8]. On boit littéralement ses paroles.




Les profits de l’inauguration du club vont directement à l’Association canadienne contre la dystrophie musculaire[9]. Dans les mois suivants, un grand nombre d'artistes y donnent des performances mémorables. On y entend le blues de Margie Day[10], le jazz de Clea Bradford[11], mais aussi Claude Valade et Pierre Lebon, qui sont les premiers artistes canadiens à s'y produire. La popularité du Club Playboy est incroyable : il compte 13 000 membres à la fin du mois d'août déjà, dont des personnalités publiques comme Pierre Lalonde[12]! Un photographe, Jean-Claude Gagné, s’est rendu à quelques reprises au Club. Il nous a laissé beaucoup d’archives, dont les photos inédites qui ont servi à illustrer cet article.


Sur ces images conservées au Centre d'Archives de Laval (P078), il est d'ailleurs possible que vous reconnaissiez des personnages célèbres que nous n’avons pas nommés.





[1] « Coy a franchi le cap des 400 victoires à son insu ». La Presse, 25 juillet 1967, p. 41.

[2] « La chasse aux Bunnies ». La Presse, 21 juin 1967, p. 33.

[3] « Dernière heure. » Télé-Radiomonde, 11 novembre 1967, p. 19.

[4] « Être Bunny c’est quoi donc? » La Presse, 8 juillet 1967, p. 46.

[5] Alain Raymond. « Playboy, l’empire Hefner ». AFP, dans La Presse, 27 novembre 1968, page 16.

[6] « Le Playboy Hefner visite l’Expo 67 ». La Presse, 18 juillet 1967, p. 39.

[7] « Papa Lapin accueilli à Dorval » La Presse, 15 juillet 1967, p. 46.

[8] Ibidem.

[9] « Inauguration du Club Playboy ». La Presse, 6 juillet 1967, p. 19.

[10] « Les Arts ». La Presse, 10 décembre 1968, p. 56.

[11] « Au Club Playboy ». La Presse, 28 mars 1968, p. 50.

[12] « Pierre Lalonde devient membre du Club Playboy! » Télé-Radiomonde, 26 août 1967, p. 9.