James Eastland - compte-rendu de conférence

James O. Eastland et la répression des mouvement civiques aux États-Unis : compte-rendu de la conférence de Vicki Onufriu


Par Guillaume Bouchard Labonté – 17 septembre 2019


Vicki Onufriu, historienne et présidente du C.A. de la SHGIJ.

Tous les Américains n’ont pas encouragé, dans les années 50 et 60, la déségrégation et le progrès des droits civiques. James O. Eastland, sénateur démocrate auquel s’est intéressée Vicki Onufriu au cours de sa maîtrise (consultable ici), était un des défenseurs les plus virulents de la ségrégation raciale et de la suprématie blanche.


Si c’est plus spécialement au discours et aux stratégies de Eastland que s’est intéressée notre première conférencière de l’automne 2019 (et accessoirement présidente du C.A. de la SHGIJ!), celle-ci a pris la peine de mettre ce personnage fascinant en contexte : né en 1904 dans une famille de planteurs, il grandit dans au sein d’une culture sudiste et aristocratique. Comme il a vécu une partie de sa jeunesse dans des comtés plus pauvres du Mississippi, cet héritier multimillionnaire et avocat parvient toutefois à acquérir la réputation d’être, en quelque sorte, « proche du peuple ».


Il entre en fonction en 1941 et s’accroche rapidement à son poste de sénateur. Il identifie alors ses principaux ennemis : les groupes de défense des Afro-Américains et les communistes. La majeure partie de sa carrière sera marquée par cette lutte réactionnaire.


Pour ce faire, il intrigue abondamment : il réussit à se faire élire à la tête de commissions (telles que le Civil Right Subcommittee et le Senate Internal Security Subcommittee) dans lesquels il peut interroger des témoins à loisir. Vicki Onufriu s’est penchée sur plusieurs de ces interrogatoires. Son examen lui a permis de constater que Eastland maîtrisait parfaitement bien l’art de la démagogie et de l’obstruction. Il réussit à bloquer plusieurs projets, réformes, enquêtes favorables aux droits des Afro-Américains ; il accuse de nombreux activistes d’être des communistes par association et parvient à les isoler du reste du mouvement pour les droits civiques; il parvient même à faire expulser un avocat du Barreau en le poussant à faire appel au Cinquième Amendement.


Il fait aussi appel à un ex-communiste, Paul Crouch, devenu délateur pour le compte du gouvernement. Celui-ci sera trouvé coupable, quelques mois après son témoignage devant la commission de Eastland, d’avoir sciemment menti.


Les années cinquante avancent rapidement et les convictions d’Eastland ne changent pas : en 1954, il en appelle même à la création d’une organisation de défense des sudistes. Chose dite, chose faite. La même année, le White Citizen's Council est fondé, pour le plus grand bénéfice des suprématistes.


Il faudra attendre 1964 pour que le Civil Rights Act soit enfin signé et mette fin, officiellement, à la ségrégation. Selon Vicki Onufriu, l’adoption de cette loi concorde assez bien avec le déclin graduel de la carrière politique de Eastland… mais ça ne l’empêche pas, au cours de son dernier mandat (1972-1978), d’être désigné Président pro tempore du Sénat des États-Unis et de développer des liens cordiaux avec plusieurs Démocrates plus progressistes, tels que Joe Biden, note-t-elle. Il semble que ses collègues démocrates, en fin de compte, aient hésité à lui faire payer le prix politique de ses positions extrêmes.