Les 409 et les années Yéyé à Laval
Par Guillaume Bouchard Labonté
Dans les années soixante, les soirées de danse les plus électriques sont toujours animées par des groupes qui s’y produisent en direct. Cette tendance permet à beaucoup de jeunes musiciens de faire leurs preuves. Ceux-ci écrivent alors de la musique rythmée et populaire, traduisent ou interprètent massivement des hits anglophones. Laval n’est pas imperméable à cette mode et connaît une vague yéyé qui passe près de tout emporter. Et si celle-ci ralentit graduellement à partir du milieu de la décennie, ça n’empêche pas plusieurs artistes de s’illustrer après 1966. Un des groupes les plus marquants de cette période, à Laval, fut « les 409 », un nom inspiré du titre d’une chanson des Beach Boys.
Le membre le plus âgé a seulement 18 ans en 1965, et tous les quatre résident à Pont-Viau lorsqu’ils ont l’idée de former leur groupe. Et la gloire ne se fait pas attendre. La première fois qu’on mentionne le groupe « les 409 » dans Le Courrier de Laval, il jouit déjà d’une très grande popularité auprès des jeunes.
Les 409, eux-mêmes fans d’Eric Burdon, de Wilson Pickett et de James Brown[1], multiplient les spectacles au cours de l’année 1965 : ils jouent en septembre à l’école Paul-Sauvé pour l’ouverture des Loisirs Saint-Sylvain de Saint-Vincent-de-Paul et à l’école Notre-Dame de Pontmain à Laval-des-Rapides en octobre[2]. En décembre, ils sortent de l’île et se paient une visite au Palais du Commerce, à Montréal (1650, rue Berri)[3], où ils jouent avec deux autres groupes, les Chancellers et les Mersey’s (ces derniers lancent leur disque le 12 décembre).
Leur année 1966 est encore plus prolifique : ils donnent plusieurs concerts au Don Bosco, une salle située dans une école de Pont-Viau, notamment pour relancer la saison en septembre. Dans Le Courrier de Laval, on les qualifie alors déjà de « groupe le plus populaire de Laval »[4]. La soirée provoque un délire total. Ils sont donc réinvités le mois suivant, avec de nouvelles pièces[5]. Les jeunes anglophones de Laval ne sont pas eux-mêmes indifférents aux 409 : dans les semaines qui suivent, le groupe joue au Chomedey Catholic High School avec les Statics.
Difficile, devant tant de succès, de ne pas tenter l’aventure du disque. Après leur single anglophone « They Say », qui a été très populaire au Festival du disque de l’Aréna Maurice Richard[6], un nouveau projet se met en branle : et parallèlement à leurs engagements multiples, ils réussissent donc à lancer un 45 tours à la fin du mois d’octobre. Leur carrière est définitivement lancée. Le Courrier Laval ne tarit pas d’éloges pour eux, et ils continuent leurs tournées à travers Laval, privilégiant tout particulièrement les soirées dansantes dans les écoles.
Symptôme du vedettariat naissant : les entrevues deviennent plus personnelles. Fin 1966, on s’intéresse à leurs inspirations : ils avouent qu’un seul de leurs membres connaît véritablement la musique![7] Les sujets ne se limitent pas au yéyé. Des journalistes vont jusqu’à leur demander de parler de leurs cadeaux de Noël[8] et d’exprimer leurs souhaits du Nouvel An[9].
En 1967, les affaires ne ralentissent pas. Les 409 jouent toujours au Don Bosco devant des foules survoltées[10], seuls ou accompagnés d’autres groupes du même style, tels que les Pryns et les Authentics[11]. On découvre même l’existence d’un fan club « officiel ». Leur présidente est Danielle Garand, étudiante à l’École Régionale Maisonneuve[12].
L’Expo ‘67 apparaît comme l’occasion parfaite de se faire connaître à l’international. Les 409 et leur agent sautent sur cette opportunité. Quelques jours après l’enregistrement de leur premier album francophone, ils jouent deux soirs au Jardin des Étoiles, soit le 25 juin et le 1er juillet, pour le bénéfice d’amateurs de swing de l’Expo[13].
Cette nouvelle réussite ne leur permet toutefois pas de devenir des stars mondiales. Au cours de l’automne, ils jouent toujours au Don Bosco, et leur réputation ne semble pas faiblir. Mais en novembre, c’est accompagnés de douze autres groupes qu’ils parviennent à monter sur la scène de l’Aréna Laval, à Saint-Vincent-de-Paul, lors d’une soirée co-animée par Cobello et Marie-France Dupras (Miss Laval III)[14].
Hélas, la compétition est impitoyable chez les groupes de musique pop, au moment où le style yéyé décline (Les Sultans, par exemple, se séparent en 1968) et que les années rock, propulsées notamment par l’Osstidsho, débutent[15]. Après 1967, l’étoile des 409 pâlit. Mais encore aujourd’hui, plusieurs musicomanes se souviennent de « They say ». Ce disque est une rareté convoitée par beaucoup de collectionneurs. Heureusement, de généreux contributeurs ont décidé d’immortaliser leur musique sur Youtube.
Vous pouvez entendre leur morceau le plus célèbre en suivant ce lien.
[1] « Les secrets d’un « groupe » fort populaire, les « 409 ». Le Courrier de Laval, 23 novembre 1966, p. 15.
[2] « Les 409, le groupe le plus reconnu sur les Îles Laval ». Courrier de Laval, 15 septembre 1965, p. 18.
[3] « Les 409 au Palais du Commerce le 12 ». Courrier de Laval, 1er décembre 1965, p. 11.
[4] « Les 409 aux Loisirs Don Bosco de Pont-Viau ». Courrier de Laval, 7 septembre 1966, p. 20.
[5] « Les 409 de retour au Don Bosco, à Pont-Viau ». Courrier de Laval, 28 septembre 1966, p. 4.
[6] « Super-spectacle en hommage aux « 409 » à l’aréna Saint-Vincent-de-Paul. » Le Courrier de Laval, 26 octobre 1966, p. 9.
[7] « Les secrets d’un « groupe » fort populaire, les « 409 ». Le Courrier de Laval, 23 novembre 1966, p. 15.
[8] « Le Noël des 409 ». Le Courrier de Laval, 21 décembre 1966, p. 15.
[9] « Les 409 aux jeunes de Laval ». Le Courrier de Laval, 28 décembre 1966, p. 2.
[10] « Les 409 à Don Bosco. » Le Courrier de Laval, 25 janvier 1967, p. 6. Et « Les 409 à Don Bosco. » Le Courrier de Laval, 1er mars 1967, p. 4. Et « Les 409 à Don Bosco ». Le Courrier de Laval, 6 septembre 1967, p. 6. Et « Les « 409 » à Don Bosco ». Le Courrier de Laval, 15 novembre 1967, p. 19
[11] « Grand gala dimanche de Pâques à Don Bosco ». Le Courrier de Laval, 22 mars 1967, p. 8.
[12] « Danielle Garand, présidente des fans des « 409 » .». Le Courrier de Laval, janvier-février 1967.
[13] « Les 409 feront tourner les têtes à l’Expo ’67 ». Le Courrier de Laval, 21 juin 1967, p. 5.
[14] « Sans titre. » Le Courrier de Laval, 29 novembre 1967, p. 14.
[15] Genest, Myriam. Migneault, Benoît. « La chanson québécoise, tout sauf tranquille ». À rayons ouverts, mars 2010, p. 13. Pour écouter l’Osstidsho en intégral : http://www.banq.qc.ca/collections/collection_numerique/losstidcho/losstidcho/theatre_de_quatsous.html