Un géant du Séminaire : le moulin du Crochet

par Sophie Ouimet


Les moulins étaient centraux dans la vie d'autrefois. Après tout, il fallait bien moudre son grain. Sur l'île Jésus, le plus célèbre reste certainement celui du Crochet, qui était situé au bord de la rivière des Prairies (actuel secteur de Laval-des-Rapides). Au début du XIXe siècle, d'importants travaux de construction y sont d'ailleurs entrepris.


C'est le notaire Joseph Papineau qui surveille le chantier. Nous en avons un suivi dans une  lettre qu'il adresse à Antoine-Bernardin Robert en juillet 1806 : « J'ai à vous annoncer que Maître Daveluy est rendu au moulin du Crochet avec quinze maçons et le chantier va grand train… ». C'est en 1807 que la nouvelle meunerie est prête à fonctionner.


Avec ses 100 pieds sur 50 et ses deux étages et demi, jamais le Séminaire n'aurait fait construire plus gros moulin. Il arbore un toit rouge avec deux cheminées et contient deux logements : le premier pour le meunier, le second pour le procureur. Ce dernier comprend une chambre, un oratoire et un cabinet de travail. (Le moulin du Crochet sert d'ailleurs de manoir jusqu'en 1832, moment où des rénovations rendent impossible la conservation des  logements.) On évalue que de 1804 à 1808, les coûts reliés à sa construction s'élèvent à 165938 livres ancien cours.


Ces coûts élevés, Joseph Papineau a son idée pour les rentabiliser. Il projette utiliser  activement le moulin du Crochet à des fins commerciales et non pas seulement pour les usages censitaires. En novembre 1807, il écrit : « Je considère toujours que les habitants seuls n'entretiendront pas le moulin, il faut de l'industrie pour acheter des bleds pour le compte  des boulangers. » L'un des premiers meuniers en charge de l'entreprise est un dénommé Joseph Fortin. Il serait entré en poste dès le 26 novembre 1807.


Le moulin du Crochet connaît les mêmes embûches que les autres moulins. Notamment, il doit composer avec la concurrence, pensons par exemple à ses voisins de Terrebonne et de Lachenaie. C'est pourquoi un moulin à scie en pierre, pouvant fonctionner indépendamment du moulin à farine, est un jour mis en place. Cette nouvelle installation permet la diversification des activités du domaine.


Le moulin du Crochet connaît des années très prospères, mais vers 1860, les choses se gâtent. D'ailleurs, dans un témoignage daté de 1858, un certain Antoine Lassonde affirme n'acheter sa farine du moulin du Crochet que si son coût est moindre qu'ailleurs. La situation ne s'améliore guère par la suite. Entre autres, des problèmes mécaniques minent son fonctionnement qui tombe en désuétude. 


En 1890, le Séminaire de Québec vend sa propriété au meunier François Lavoie qui le revend cinq ans plus tard aux Religieuses de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur. Le moulin du  Crochet est finalement détruit en 1930 suite à la construction d'un barrage par la Montreal Light Heat and Power Company en 1929. Ce barrage engendrait d'importantes inondations chaque année.