Une communauté de destin - compte-rendu de conférence

Autochtones et immigrants : une communauté de destin – compte-rendu de la conférence de Malik Filah

Par Guillaume Bouchard Labonté

20 février 2019


Anthropologue en résidence à la SHGIJ, Malik Filah a longuement étudié, dans le cadre de sa maîtrise, les relations entre Autochtones et nouveaux immigrants. Le 19 février dernier, il nous a présenté les conclusions de cette recherche aux thèmes très originaux.


Le sujet du contact entre Premières Nations et colons européens a été historiquement largement traité, et reste tout aussi largement débattu aujourd’hui. En commençant ses études en anthropologie, Malik Filah, très intéressé par les relations intercommunautaires, a trouvé l’inspiration de son sujet de mémoire après avoir lu sur l’histoire d’amour entre Sally Trapper, une Crie, et Mourad Djemaï, un homme d’origine algérienne.


L’histoire des relations entre Autochtones et nouveaux arrivants est plus longue et complexe qu’on pourrait le croire à première vue. Pour le démontrer, Malik Filah mentionne celle des Afro-Canadiens et Micmacs de Nouvelle-Écosse. Arrivés dans la région après la Révolution américaine, anciens esclaves ou loyalistes affranchis, les premiers ont tissé des liens si forts avec les seconds que plusieurs d’entre eux ont été partiellement ou totalement intégrés dans leur communauté.


Malik mentionne aussi le cas de la communauté chinoise de Colombie-Britannique : en contact avec les Autochtones dès leur arrivée dans l’Ouest canadien il y a un peu plus d’un siècle, elle a aussi subi divers types d’exclusion et de racisme de la part du groupe majoritaire. Leurs liens avec les Autochtones ont été soulignés et célébrés par un documentaire, Le Cèdre et le Bambou.


Les rapports entre immigrants et Autochtones ne sont pas toujours parfaitement harmonieux. Les politiques du multiculturalisme canadien sont souvent critiquées par des membres des Premières Nations, qui jugent que cette idée tend à noyer les identités autochtones dans la mosaïque culturelle. Inversement, les nouveaux arrivants, pour assurer leur intégration dans la société canadienne, ne peuvent se passer de politiques sur la diversité. Par ailleurs, Autochtones comme immigrants ont parfois hérité des préjugés diffusés par les groupes majoritaires.


Cela n’est pas sans conséquences sur les unions mixtes qui ont parfois lieu entre Autochtones et immigrants. Malik a passé en entrevue un certain nombre de ces couples et parfois leurs enfants à la culture métissée, afin de comprendre les défis auxquels ils font face et comment la rencontre initiale s’est produite. Là-dessus, ses constats sont fort intéressants : par exemple, il en arrive à la conclusion que  c’est souvent l’apport d’Internet et de ses réseaux sociaux qui ont permis aux rencontres de se produire. Or, l’accès à Internet est assez limité dans de nombreuses communautés autochtones, surtout celles qui sont géographiquement isolées! Il observe également que les immigrants qui lient des liens avec les Autochtones viennent de partout : Afrique du Nord, Sahel, Amérique latine, etc. Plusieurs disent reconnaître, dans le mode de vie des Autochtones, les valeurs de la communauté dans laquelle ils ont grandi. Leur intégration n’est donc pas toujours profondément problématique. Ils doivent parfois faire face à l’ignorance, parfois à l’ouverture, comme partout ailleurs.


Il reste la question identitaire : comment l’enfant issu d’un couple mixte se perçoit-il ? Les personnes interrogées par notre anthropologue apportent des réponses diversifiées. Certaines déplorent par exemple la difficulté de transmettre un héritage culturel au sein d’une très petite communauté, mais affirment faire des efforts pour le préserver. Par exemple, en allant visiter les grands-parents à l’étranger. Ce qui permet à la jeune génération de s’identifier à la fois comme Autochtones et comme descendants d’immigrants !